Le marché des plats à emporter est un secteur très convoité, dont il est important de comprendre les règles juridiques. De plus en plus de professionnels de l’industrie alimentaire et de particuliers amoureux de la cuisine “faite maison” se lancent dans l’aventure de la livraison à domicile. Mais un particulier est-il autorisé à commercialiser ses petits plats ? Comment se repérer dans les réglementations d’hygiène alimentaire, de droit des consommateurs, de vente en ligne ou encore d’étiquetage ? Voici les 3 principales règles de droit à connaitre pour vendre des plats à emporter en toute légalité.
I. Livraison de plats à emporter : les responsabilités ou garanties légales obligatoires
L’entreprise ou la startup qui livre des plats préparés, cuisinés par elle ou par un tiers fournisseur, participe à la distribution de denrées alimentaires non préemballées. A ce titre, elle dispose de garanties juridiques obligatoires envers ses consommateurs finaux. Mais quelle différence entre denrées alimentaires préemballées et non préemballées ?
Les denrées alimentaires non préemballées sont celles vendues en vrac (comme les fruits ou légumes) ou emballées au moment de l’achat par le client (comme les plats achetés chez le traiteur, ou encore la baguette de pain).
En revanche, les denrées alimentaires préemballées sont toutes celles que l’on retrouve habituellement dans les supermarchés et ayant été emballées au moment de leur production.
Si cette différenciation est amenée à jouer un rôle important ultérieurement, elle n’a cependant pas d’influence au stade des règles de droit qui s’imposent au vendeur de denrées alimentaires.
En effet les garanties légales en matière de ventes de denrées alimentaires préemballées ou non préemballées sont similaires et résultent à la fois du code civil (articles 1641 à 1648) et du code de la consommation (article L211-4).
L’article 1641 du code civil énonce : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
En premier lieu, la startup qui délivre des plats à emporter est ainsi responsable au titre des vices cachés du produit vendu. Le vice caché est défini par l’Institut National de la Consommation comme : « [le vice] qui rend impossible l’usage du bien ou le diminue tellement que l’acquéreur ne l’aurait pas acquis, ou à un prix inférieur, s’il l’avait connu ».[1] Dès lors, tout consommateur final, au sens générique du terme (et non au sens restrictif du code de la consommation) qui achète un plat à emporter entaché d’un vice rendant le produit impropre à la consommation, peut engager la responsabilité de la société de distribution, et la startup sera légalement tenue à réparation.
Par ailleurs l’article L221-4 du code de la consommation dispose : « Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Il répond également des défauts de conformité résultant de l’emballage, des instructions de montage ou de l’installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité ».
En second lieu, le professionnel est ainsi tenu d’une obligation de délivrance conforme aux stipulations contractuelles. Alors, tout consommateur, entendu comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, ou non-professionnel, entendu lui comme toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas non plus dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole depuis le 1er juillet 2016,[2] peut engager la responsabilité contractuelle du vendeur sur le fondement du défaut de conformité.
Si ces actions ne sont pas cumulables par le consommateur, qui devra choisir sur quel fondement il souhaite engager la responsabilité de son vendeur depuis une jurisprudence constante de 1993,[3] ces règles de droit s’imposent obligatoirement au vendeur au fond (comme il a été vu précédemment) mais aussi dans la forme.
En effet les mentions de ces garanties légales, ainsi que la reproduction intégrale des articles L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-12 du code de la consommation ainsi que l’article 1641 et le premier alinéa de l’article 1648 du code civil, doivent être obligatoirement inscrites dans les conditions générales de vente, selon l’article L211-15 du code de la consommation.[4]
II. L’étiquetage des plats à emporter
La loi pose à l’égard du professionnel (fabricant, producteur, importateur vendeur) une obligation générale de sécurité quant aux produits notamment alimentaires qu’il fabrique, réalise ou commercialise.
Cette obligation de sécurité se traduit notamment par un étiquetage appropriée sur les produits vendus, et en conformité avec les législations en vigueur.
Aux termes de l’article L 421-3 et s. du code de la consommation[5] : «Un produit est considéré comme satisfaisant à l’obligation générale de sécurité prévue à l’article L. 421-3, lorsqu’il est conforme à la réglementation spécifique qui lui est applicable ayant pour objet la protection de la santé ou de la sécurité des consommateurs. »
Cette obligation de sécurité est à la charge de tous les acteurs de la chaîne de vente, de la production à la distribution.
En effet, l’article L423-3 du même code[6] dispose : “Lorsqu’un producteur ou un distributeur sait que des produits destinés aux consommateurs qu’il a mis sur le marché ne répondent pas aux exigences énoncées à l’article L. 421-3, il engage les actions nécessaires pour prévenir les risques pour les consommateurs et en informe immédiatement les autorités administratives compétentes”.
En matière de produits alimentaires préemballées ou non préemballés, l’étiquetage relève de donc de la double responsabilité du producteur et du distributeur des produits alimentaires. L’entreprise de distribution de plats à emporter détient en effet une obligation positive d’étiqueter les plats cuisinés délivrés à ses clients, ou seulement contrôler l’étiquetage s’il a été précédemment effectué par l’entreprise de production.
Finalement l’entrepreneur ne pourra pas exclure sa responsabilité en cas de réclamation d’un consommateur concernant un défaut sanitaire, sauf s’il prouve avoir rempli son obligation de sécurité telle qu’elle vient d’être évoquée.
III. La conservation et le transport des denrées alimentaires
Egalement, et d’une toute aussi grande importance, les températures de conservation doivent être précisément envisagée par l’entrepreneur de livraison de plats préparés. Celles-ci font l’objet d’une règlementation précise par l’Etat. Ainsi, selon le décret du 9 septembre 1964, modifié successivement jusqu’en 2009,[7] il est établit que :
- D’une part, pour les repas livrés froids, la température de conservation ne doit dépasser maximum 3°C, alors que;
- D’autre part, pour les repas livrés chauds, la température de conservation ne peut excéder 63°C.
Ainsi, l’entrepreneur selon le mode de transport et de conservation des plats à emporter qu’il aura choisi (vélo, scooter ou encore camion réfrigérant), devra impérativement respecter les températures fixées en décret, sous peine de ne pas satisfaire à son obligation de sécurité évoquée précédemment.
Conclusion
Finalement, l’essor formidable de la vente de plats à emporter a connu parallèlement un essor non négligeable des règlementations en matière de responsabilité, d’hygiène et d’étiquetage des denrées alimentaires.
Il est donc impératif pour toute start-up qui se lancerait dans ce commerce de s’informer précisément de ses engagements envers ses consommateurs, et de porter une attention toute particulière à la rédaction de ses Conditions Générales de Vente.
Pour vous aider, nous vous proposons un tableau récapitulatif des mentions légales obligatoires dans les CGV de la start-up ainsi que les mentions légales obligatoires d’étiquetage sur les plats vendus.
Télécharger le tableau explicatif
[1] http://www.conso.net/content/la-garantie-des-vices-caches
[2] Article Liminaire du code de la consommation, disponible sur : Légifrance
[3] Cass. Civ. 1re, 5 mai 1993, confirmée par Cass. Civ. 1re, 19 févr. 2014, n°12-22.878