Avec la directive 2015/2436 et règlement (UE) 2015/2424), le Parlement et le Conseil européens ont mis en place la suppression de l’exigence de représentation graphique des marques, ouvrant ainsi la voie à d’autres systèmes d’identification. Cette réforme, dite « Paquet Marques », pourrait traduire un bouleversement en droit européen des marques car elle établit le passage d’une protection basée sur la description, à un système qui fait appel à l’ensemble de nos sens : la vue, mais aussi l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher.
De la marque « description » …
La nécessaire représentation « graphique » d’une marque
Jusqu’à peu, l’ancienne directive européenne (2008/95/CE) définissait une marque comme tout « signe susceptible d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (article 2) ».
Il n’existe, à ce jour, aucune loi ou réglementation interdisant le dépôt et la protection d’un son, d’une odeur, d’un goût ou d’une texture à titre de marque en France. Néanmoins, la représentation graphique était, jusqu’ici, une condition d’existence même de la marque.
Prenons l’exemple de l’odorat : une tendance marketing relativement récente consiste à diffuser des parfums reconnaissables dans certaines boutiques de marques connues. Mais comment une odeur (provenant d’un parfum, d’une bougie ou même d’un pneu) pourrait-elle faire l’objet d’un dépôt de marque ?
« L’odeur de l’herbe fraîchement coupée »
A titre d’exemple, l’Intellectual property office du Royaume-Uni accepte de reconnaître les odeurs lorsqu’elle sont précisément décrites : « Une fragrance florale/ odeur rappelant la rose » pour des pneus[1] et une « forte odeur de bière amère » pour des fléchettes[2].
De même, l’office européen des marques (OHMI) a autorisé l’enregistrement de « l’odeur de l’herbe fraîchement coupée » pour des balles de tennis en 1999, en considérant qu’il s’agit d’une « odeur distincte que tout le monde reconnaît immédiatement sur la base de ses souvenirs.[3] »
Cette position demeure néanmoins controversée car une telle marque ne saurait être perçue de façon objective, et revêtirait une perception différente pour chaque individu, ce qui ne permettrait pas d’identifier l’objet exact bénéficiant d’une protection.
Ainsi, trois ans plus tard, la CJCE (Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a repris les critères et considéré que « les exigences de la représentation graphique ne sont pas remplies par une formule chimique, par une description à l’aide de mots écrits (« une senteur balsamique fruitée avec une légère note de cannelle »), par le dépôt d’un échantillon d’une odeur ou par la combinaison de ces éléments »[4].
…À l’émergence de la marque « sensation »
On dépose quoi maintenant alors ?
Avec la réforme dite « Paquet Marques », les offices européens ouvrent le champ des possibles, en autorisant notamment l’enregistrement d’une marque olfactive avec un échantillon de l’odeur, et sa description graphique.
Nous passons donc, avec ce dépôt d’échantillons, d’une condition objective – la représentation graphique de la marque – à une condition plus subjective, à savoir sa représentation « d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer l’objet exact bénéficiant de la protection conférée au titulaire » (article 3 de la nouvelle Directive et article 4 du nouveau Règlement).
En ce sens, nous passons d’un système fondé sur la « description » à un système fondé sur la « sensation » en droit des marques.
Les offices d’enregistrement vont-ils s’y retrouver ? Et nous ?
Si l’ouverture que représente cette réforme est ambitieuse, le « Paquet Marques » risque de poser plusieurs difficultés qu’il sera utile d’anticiper :
- L’enregistrement de la marque au sein des offices. La suppression de l’exigence de représentation graphique risque d’entraîner des difficultés au sein des offices qui n’ont pas actuellement les moyens humains et techniques de procéder à l’examen de ces demandes non conventionnelles. L’enregistrement ayant pour but de rendre la marque opposable aux tiers, il est important que ceux-ci puissent identifier le signe précisément et facilement, ce qui risque de poser problème avec la réforme.
- L’exigence de distinctivité d’une marque. L’une des principales difficultés que l’on pourrait rencontrer à l’adoption d’une odeur comme signe distinctif réside dans le fait que celle-ci est intimement liée au produit lui-même (les marques olfactives pour les parfums ou les bougies parfumées par exemple). Autrement dit, cela pourrait exclure le dépôt à titre de marque d’une fragrance pour absence de distinctivité, dès lors que l’on choisit de considérer que l’odeur confère sa valeur substantielle au parfum. De ce point de vue, la portée de la réforme pourrait être limitée pour des marques de bougies, par exemple.
- L’appréciation du risque de confusion entre les marques, et donc de la contrefaçon. L’évaluation de la confusion et des similitudes concernant quelque chose d’aussi subjectif qu’une odeur pourrait poser problème en matière de contrefaçon. Par ailleurs, les conflits entre marques « traditionnelles » et marques « non traditionnelles » nous exposeraient à de nouvelles difficultés liées à l’appréciation du risque de confusion : par exemple, comment résoudre le conflit potentiel entre une marque verbale « ROSE », une marque olfactive « odeur de rose », et une marque figurative représentant une rose, pour les mêmes produits ? L’odeur pourrait-elle constituer une antériorité opposable à une marque verbale ? Il nous apparait que les tribunaux français pourront à terme choisir de prendre cette direction. La question se posera de la même façon pour l’appréciation et l’opposabilité des marques gustatives, les marques de texture ou tactiles, qui pourraient désormais faire l’objet d’un dépôt.
Conclusion
La portée de cette réforme nous semble donc à la fois représenter une ouverture significative concernant les dépôts possibles et nécessiter, à terme, un encadrement précis afin de préserver le monopole et l’identité acquise par chaque dépositaire. En cas de doute, ces prochaines années, attendons-nous à voir de nombreuses marques combiner, à titre de précaution, tous les différents types de dépôts possibles.
Article rédigé avec la contribution de Maître Nour Mouhaidine, Avocat à la Cour, Collaboratrice du cabinet Bondard.
Bibliographie
Textes :
- Directive 2008/95/CE du Parlement Européen et du Conseil du 22 octobre 2008 ;
- Directive (UE) 2015/2436 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques ;
- Règlement (UE) 2015/2424 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015.
Jurisprudences :
- Décision de la chambre des recours de l’OHMI, 11 février 1999, Smell of Fresh Cut Grass, « l’odeur de l’herbe fraîchement coupée » ;
- CJCE, 12 décembre 2002, affaire C- 273/00, Siekmann (Ralf) c. Deutsches Patent- und Markenamt.
[1] sumitomo rubber co, GB 2001416
[2] unicorn products, GB 2000234
[3] Décision de la chambre des recours de l’OHMI, 10 février 1999
[4] CJCE, 12 décembre 2002, affaire C- 273/00, Siekmann (Ralf) c. Deutsches Patent- und Markenamt
Sociétés commerciales, pensez à déclarer vos bénéficiaires effectifs
Suite à la Loi Sapin II du 9 décembre 2016, les sociétés commerciales ont pour obligation de déclarer leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s).
Afin de permettre à toutes les entreprises de se mettre en règle, deux procédures ont été mises en place : l’un pour les nouvelles entreprises, l’autre pour les plus anciennes.
Ainsi, depuis le 1er août 2017, les entreprises qui demandent leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) doivent impérativement déposer, en annexe de leur dossier, un document désignant les personnes qui sont leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s).
Les sociétés immatriculées avant le 1er août 2017 peuvent, quant à elle, déposer leur document déclaratif auprès du greffe du tribunal de commerce jusqu’au 1er avril 2018 ; date à partir de laquelle les responsables d’entreprises prises en défaut encourront 6 mois d’emprisonnement, 7.500 euros d’amende et une interdiction de gestion.
Les bénéficiaires d’effectifs sont constitués de toute personne physique possédant, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote, ou, à défaut, la personne exerçant un contrôle sur les organes de direction ou de gestion au sein des sociétés ou des organismes de placement collectifs.
Si vous souhaitez que nous nous occupions de ces formalités pour vous, merci de nous écrire à : contact@bondard.fr
La Semaine Juridique : La blockchain à l’heure du droit des affaires
Le Cabinet Bondard a eu le privilège de participer à la conférence annuelle organisée par le Master droit des affaires de l’Université Paris Dauphine. Le thème cette année : “La blockchain à l’heure du droit des affaires”. Compte-rendu publié dans “La Semaine Juridique”, n°36.
Consultez cet article en utilisant le bouton ci-dessous :
Retrouvez ce dossier sur le site de l’Université Paris Dauphine
There are different ways to create a company in France. The French simplified joint-stock company (Société par Actions Simplifiée) is one of the most popular one. How does it work ? How to decide if it is appropriate for your project ? Here is a legal guide that will help you understand how to create an S.A.S.
A flexible management structure
The French simplified joint-stock company (SAS) is used for small to medium-sized businesses and is one of the most common type of entities in France, because of the flexibility that it offers in the bylaws.
The SAS is a commercial company. The liability of its shareholders is limited to the contributions made (art. L. 227-1 of the Commercial code).
It shall have either one or several shareholders, and its structure may be determined freely by the bylaws. The content of the bylaws is almost free (just a few references are legally needed). The only obligation is that the company must be represented by a President vis-à-vis third parties (art. L. 227-6 of the Commercial code). He can be either an individual or a legal entity.
The capital of a French simplified joint-stock company is divided into shares, with no minimum capital required (art. L.227-1 al. 3 of the Commercial code).
A simplified joint-stock company is managed by a President (Chairman) who represents the company vis-à-vis third parties. If the bylaws provide for it, Director(s), who also have the power to represent the company, can be appointed. Finally, corporate bodies such as: a Board of Directors, a management committee and a supervisory committee can also be envisaged. The bylaws freely define the powers and rules of operation (quorum, majorities, notice periods, etc.) of such corporate bodies.
Decisions on the following issues can only be taken by the shareholders (art. L.227-9 of the Commercial code): approval of financial statements; increase or reduction of capital; capital amortization; mergers; spin-offs; liquidation; appointment of statutory auditors (« commissaires aux comptes »); and amendment of the articles of association.
What documents need to be prepared annually ?
A list of formal documents, which summarize the company’s activity for the past year, need to be prepared annually :
– The annual accounts (“comptes annuels”) includes a balance sheet, income statement and an appendix (art. L.123-12 of the Commercial code). If there is a benefit, the President shall also organize the potential payment of dividends.
– The annual report (“rapport de gestion”) includes the situation of the company, its evolution, the important events that happened since the last report, the date of realization of the report, the company’s activity with regard to research and development (art. L.232-1 of the Commercial code).
Simplified joint-stock companies (within the meaning of art. L. 123-16 of the Commercial Code) with only one shareholder, a physical person, assuming its presidency, do not have to draft the annual report (art. L.232-1).
– Consolidated financial statements shall be applicable in respect of any companies which the company controls, or over which they exert a significant influence (art. L.233-16 of the Commercial code). These statements are accompanied by the report of the auditor on the consolidated financial statements.
– The auditor’s report on annual accounts, shall be applicable in respect of any companies consisting of only one shareholder (art. L.232-1 of the Commercial code).
Who shall prepare these documents ?
Depending on the bylaws of the company, company’s President usually prepare these documents.
The auditor, if applicable (Article L 232-1 of the Commercial Code), has also an important role in the SAS organization.
It should be noted that a simplified joint-stock company which exceed, at the end of the financial year, the following thresholds shall be obliged to designate at least one auditor (art. L. 227-9 of the Commercial code):
– out of taxes turnover exceeding € 2 millions;
– amount of the balance sheet exceeding € 1 million;
– average number of the employees exceeding 20 (twenty) during the financial year (art. L.227 -9-1 and R.227-1 of the Commercial code).
In any event, the company must also appoint a statutory auditor if it controls one or several companies or if it is controlled by one or several companies (art. L.233 -16 of the Commercial code.).
When and where do these documents need to be prepared and filed ?
These documents need to be prepared at the end of each financial year, be sent to the auditor (if applicable).
The auditor will prepare a report and send it to the shareholder(s) within six months of the year end closing. The shareholder(s) shall, through an ordinary assembly meeting, approve the annual accounts and statements, after having consulted the auditor’s report (art. L.227-9 of the Commercial code).
The shareholders’ decisions shall be listed in an internal register kept by the company (called “registre” in French) (art. L 227-9 of the Commercial code).
Finally, in the month following approval of the annual accounts by the assembly meeting, all joint-stock companies shall be required to file the documents with the Clerk of the Commercial court (“greffe du tribunal”), in order for these to be appended to the Commercial and Companies Register (“Registre du Commerce et des Sociétés”) (art. L.232-23 of the Commercial code).
Decisions taken in violation of the rules of this section may be annulled upon demand of anyone who has an interest in requesting such annulment (art. L. 227-9 of the Commercial code).
EXAMPLE OF OBLIGATIONS DERIVING FROM BYLAWS
This section gives an example of the way a joint-stock company could be organized.
What powers does the shareholders have ?
The shareholders in a company shall hold assembly meetings to make all the decisions described below. One share equals one voting right.
The shareholders may appoint and remove the President by way of a resolution adopted by an ordinary general meeting.
Plus, upon the proposal of the President, the shareholders appoint the General Director(s) of the company whom will be in charge of assisting the President in carrying out his duties. The terms of the shareholders’ resolution appointing the General Director(s) will define the extent of the General Directors’ powers.
Assembly meetings : when and how to hold them and what decisions are taken ?
The Commercial code requires that the assembly meetings be held following the regular assembly meeting procedures. The procedure described below is a possible way to take decisions in a joint-stock company.
There are usually two types of decisions in a joint-stock company, depending on the importance of these decisions for the future of the company. Consequently, decisions can be ordinary or extraordinary, which will determine specific voting rules.
Extraordinary decisions usually are the decisions regarding an increase or decrease of share capital, a merger, a spin-off, the dissolution of the company, the exclusion of a shareholder, the modification of the incorporated form of the company, the modification of the Bylaws…
These decisions are usually subject to specific voting rules. Concerning extraordinary decisions, bylaws often states that 2/3 majority rule is applicable.
All other decisions are usually considered to be ordinary and therefore the majority rule is applicable. A decision may only be valid if it obtained 51% of the vote expressed during the deliberation.
The President is empowered to call for an assembly or a general meeting, and usually preside it. In the event he fails to do so, a court appointed agent will call for such meeting.
The Auditor may also call for an assembly. He shall be invited to take part in all the decisions making process of the shareholders.
The shareholders’ decision-making process can be of two types, either by way of an assembly or meeting, or by way of a consultation via written correspondence, at the President’s choice :
• Consultation by way of an assembly;
• Consultation by way of written correspondence.
The record of the meeting is the way assembly meetings are materialized. The consultation procedure ends by a record established by the President, within which is indicated the vote of each shareholders on each decision during the meeting.
How to appoint and remove the President ?
The President may be appointed by a resolution adopted during an ordinary assembly meeting of the shareholders. If the President is a legal entity, he shall be represented by the managing director of such entity, whom shall also be personally liable on a civil and criminal level as if he was himself holding the position of President, notwithstanding any joint responsibility of the legal entity which he governs.
The duration of his appointment could be limited or unlimited and may only be terminated by the following reasons :
– its resignation,
– the impossibility to carry out his duties for more than 3 months,
– the age limit provided by the bylaws (i.e. 70 years old),
– its dismissal decided by the shareholders which can occur at any time by way of a resolution adopted by the ordinary assembly meeting and which need not be justified,
– the death of either the natural person or the legal entity of the managing director.
What are the President’s powers ?
In a “SAS”, the President has large general powers. In compliance with the Commercial Code, the bylaws provide that the President will represent the company vis-à-vis third parties. The President can commit the company even for acts he is not authorized to do, unless he proves that third parties know that the President was not authorized to do this act or could not ignore it under the circumstances.
However, the shareholders may limit some of the powers of the President and may subject certain acts to their prior authorization. The President can give a delegation of powers and signature to anyone for specific missions, but not the entirety of its powers.
How to appoint and remove the Director(s) ?
The Director(s) may be appointed by a resolution adopted during an ordinary assembly meeting of the shareholders, only upon a proposal by the President. The Director(s) can only be an individual and not a legal entity.
The rules concerning the duration of his appointment and the termination of its function are the same as the President.
What are the Director(s) powers ?
Like the President, Director(s) have large general powers. In compliance with the Commercial Code, the bylaws provide that the Director may hold the same powers as the President towards third parties.
The President can give a delegation of powers and signature to anyone for specific missions, including the Director, but not the entirety of its powers. Every assignment of powers and signature is revocable at will.
In conclusion, the simplified joint-stock company offers an adaptable operating mode, which allow any entrepreneur to launch into the world of entrepreneurship.
For any question, contact us : cb@bondard.fr
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Découvrez les conseils de Maître Bondard pour implanter votre société ou startup aux Etats-Unis. Comment négocier un contrat de propriété intellectuelle aux Etats-Unis ? Quels sont les points clés à connaître pour protéger sa marque outre-atlantique? Ce powerpoint a été présenté au FootTechLab le 17 mai 2017.
SOMMAIRE
I. La propriété intellectuelle : protection par les dépôts en France et aux U.S.
A. Les différents types de propriété intellectuelle
B. Les droits principaux
C. Les cas particuliers
D. Déposer votre marque aux U.S.
II. Le droit des contrats: négocier vos contrats en France vs U.S.
A. Avant le deal
B. Négociation: France vs U.S.
C. Contrats commerciaux : comparaison de quelques clauses essentielles en droit français et U.S.
III. Le droit des sociétés: vous implanter aux U.S.
A. Pourquoi les U.S
B. La structuration juridique
C. Nos partenaires pour votre implantation aux U.S.
I. La propriété intellectuelle : protection par les dépôts en France et aux U.S.
A. Les différents types de propriété intellectuelle
La propriété intellectuelle se réfère à deux types de propriété :
- La propriété littéraire et artistique qui concerne les rapports entre les créateurs et les distributeurs de biens et services relatifs à l’art et la culture.
- La propriété industrielle dont l’objet est de reconnaître un monopole, un savoir pour une invention capable d’application industrielle.
B. Les droits principaux
Droit d’auteur
Article L111-1 du CPI
« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial».
Droit des marques
Article L711-1 du CPI
« La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale».
Droit des dessins et modèles
Article L.511-1 du CPI
« Peut être protégée à titre de dessin ou modèle l’apparence d’un produit (…) caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. (…)».
Droit des brevets
Article L.611-1 du CPI
« Toute invention peut faire l’objet d’un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire (…) un droit exclusif d’exploitation (…) En contrepartie, l’invention doit être divulguée au public ».
C. Cas particuliers: bases de données et logiciels
Les bases de données
Recueil d’information sous forme électronique ou non. Protection juridique double :
1. Le droit d’auteur qui protège la forme de la base, l’architecture.
2. Une protection sui generis qui protège la matière contenue par la base.
Les logiciels
Certains éléments ne sont pas protégés comme les fonctionnalités, algorithmes, interfaces, langages de programmation. Protection juridique double :
1. Le droit d’auteur qui protège l’architecture du logiciel, le code objet et code source, les interfaces logiques, les maquettes et les documentations.
2. Le droit des brevets qui protège l’invention technique découlant du logiciel (plutôt rare). Condition : Si le logiciel permet la réalisation d’un produit ou procédé (effets tangibles)
Recettes de cuisine
Pourquoi une recette de cuisine ne pourrait-elle pas être reconnue comme une œuvre de l’esprit ?
Elle peut être originale, inventive, empreinte de la personnalité de son auteur, qu’elle soit permanente, ou temporaire comme pour une sculpture de glace.
Un arrêt de principe du Tribunal de Grande Instance de Paris du 30 septembre 1997 affirme : « si les recettes de cuisine peuvent être protégées dans leur expression littéraire, elles ne constituent pas en elles-mêmes une œuvre de l’esprit »
Les tribunaux sont partagés sur la question de la protection des œuvres perceptibles par le goût, et de façon similaire, par la protection des œuvres perceptibles par l’odorat.
Exemple de brevet sur un procédé: fabrication des biscuits LU :
La revendication principale du brevet FR2786663 est formulée ainsi :
Procédé de fabrication en continu présentant au moins un motif de marquage en surface, caractérisé en ce qu’il présente :
- [a] la réalisation d’une pâte crue de type molle ou semi-liquide comportant la composition pondérale suivante : 25% à 40% de farine, 0% à 5% de dérivé amylacé, notamment amidon de blé, 25% à 35% de sucres, 0% à 10% de fibres, 4% à 10% de matière grasse, […]
- [b] la dépose de pâtons individuels de ladite pâte sur un dispositif transporteur tel qu’un tapis,
- [c] la cuisson au four desdits pâtons,
- [d] à la sortie du four, le marquage des pâtons cuits avec au moins un dit motif de marquage, avant que n’intervienne une cristallisation notable du sucre,
- [e] un refroidissement desdits pâtons cuits pour produire une cristallisation notable du sucre qui fixe le motif de marquage, pour obtenir lesdits biscuits,
Arrêt du 17 octobre 2007, Cour d’appel de Paris, 4ème Ch. Sect. A:
L’arrêt confirme la brevetabilité du procédé de fabrication des biscuits LU :
« Considérant que les premiers juges ont relevé à juste titre que l’homme du métier, au regard duquel le caractère suffisant de la description du brevet s’apprécie, est le pâtisser spécialiste de la pâtisserie industrielle, connaissant les compositions des pâtes molles ou semi-liquides, les temps de cuisson, le phénomène de la cristallisation et les différentes techniques employées pour la disposition des pâtons, la cuisson et le transport en continu ».
D. Déposez votre marque aux U.S.
1. Quand et comment?
- A quel moment déposer votre marque aux U.S.?
- Comment déposer votre marque aux U.S. (dépôt local, passer par un enregistrement international?
- Pourquoi effectuer des recherches d’antériorité sur une marque que j’exploite déjà en France?
- Quel est le risque si j’exploite une marque non déposée aux U.S.?
- Mais quel est le coût d’un tel dépôt?
2. Des différences avec le dépôt en France?
La nécessité de prouver l’exploitation de la marque
- Le « Use in Commerce Application »
- L’ « Intent-to-Use Application »
L’existence de 2 registres différents
- Le « Principal register » ou registre principal
- Le « Supplemental register » ou registre additionnel
Un contrôle de disponibilité de la marque opéré également par l’USPTO
II. Le droit des contrats: négocier vos contrats en France vs U.S.
A. Avant le deal
La conservation des preuves
- L’enveloppe Soleau.
- Le tampon « Confidentiel » sur vos documents
Le contrat de confidentialité
- La nature du contrat : Chaque partie s’engage à garder confidentielles certaines informations reçues.
- Les clauses de confidentialité : Une clause de confidentialité intégrée à un autre contrat (par exemple un contrat de travail) peut dépasser la durée du contrat.
France
- Lorsque vous négociez avec des acteurs publics, il vous faut déterminer rapidement les clauses importantes de celles représentant un enjeu moindre.
- Cela joue sur la durée de la négociation, qui peut être relativement longue.
- Vos objectifs lors de la négociation ne doivent pas être trop élevés, afin de pas compromettre les chances de trouver un terrain d’entente.
- Les enjeux de la négociation sont moins importants qu’aux U.S., car le coût des procédures contentieuses est moindre.
U.S.
- “I’m out of here!”: Les parties feignent de rompre les négociations avant la conclusion du contrat, afin d’inciter leur cocontractant à faire des concessions.
- “We’re going to make lots of $$”: Les parties prévoient la croissante des ventes.
- “My hands are tied, the BOSS says no”: L’une des parties déclare qu’elle ne peut signer le contrat sans l’aval de son supérieur, mais ne révèlera pas l’identité de celui-ci.
- “This is nonsense, you can do better”: L’une des parties « met la pression » sur son partenaire et imposant un caractère d’urgence.
- Re-trading the deal : L’une des parties tente de renégocier des aspects de la négociation, qui avaient pourtant fait l’objet d’un accord.
- The walkout : Une partie ne participe pas aux négociations.
- Miserly Style : L’une des parties n’accorde aucune importance aux droits réservés à l’autre partie dans la négociation et la conclusions du contrat.
France – La notion de « bonne foi » dans les négociations
- Les juridictions françaises considèrent que les parties négocient librement les termes du contrat, et ne doivent pas abuser de ce droit.
- Le principe de ”l’abus de droit” permet à une partie de rechercher la responsabilité de son cocontractant lors de la phase précontractuelle.
- L’une des innovations majeures de la réforme du droit des contrats est l’introduction du principe de bonne foi lors de la phase de négociation précontractuelle, jusqu’alors réservée à l’exécution même du contrat.
- Désormais, les parties peuvent être tenues de fournir certaines informations lors de la négociation, afin d’assurer au cocontractant la parfaite connaissance des engagements qu’il prend au titre du contrat.
U.S. – La notion de « bonne foi » dans les négociations
- Pas d’obligation légale ou statutaire de négocier de bonne foi, mais il est fréquent que cette disposition soit contractuellement prévue.
- Dans l’état du Delaware, il est possible d’obtenir des dommages-intérêts sont le fondement de la violation de l’engagement de négocier de bonne foi.
- Lorsqu’une partie s’engage à négocier de bonne foi, cet engagement constitue une véritable obligation, dès la phase pré contractuelle.
- La rétention d’informations peut entraîner une perception erronée de la réalité pour le cocontractant et, par suite, une condamnation.
B. Contrats commerciaux : comparaison de clauses essentielles en droits français et U.S.
- Clauses de résiliation ;
- Garanties et représentations ;
- Loi applicable et juridiction compétente ;
- Modes alternatifs de résolution des conflits.
France – Clauses de résiliation
- La résiliation pour faute : la partie victime d’une inexécution contractuelle doit laisser la possibilité à son cocontractant d’en reprendre l’exécution, avant de procéder à la résiliation.
- La résiliation du contrat intervient généralement entre 15 et 30 jours suivant la réception par la partie à l’origine de l’inexécution d’une demande lui indiquant la nature de ses torts.
- Néanmoins, la partie victime peut décider la résiliation immédiate du contrat si la faute est considérée comme suffisamment grave. Cette résiliation unilatérale se fait aux risques et périls de son auteur.
- Résiliation sans faute : il est important pour la partie à l’origine de la résiliation de s’assurer que le délai de résiliation est suffisant.
- Les nouveaux articles 1210 et 1211 de Code civil prohibent les engagements perpétuels, et permettent aux parties à un contrat conclu pour une durée indéterminée d’y mettre fin en respectant le délai contractuellement prévu ou, à défaut, en prévoyant un délai raisonnable.
U.S.– Clauses de résiliation
- Les clauses de durée et de résiliation contractuelles peuvent être source de litiges en cas d’ambigüité, ou si la clause de résiliation favorise une partie par rapport à l’autre.
- Les clauses suivantes doivent faire l’objet d’une attention particulière : les contrats à durée déterminée, ou ceux à durée indéterminée mentionnant une résiliation anticipée, les contrats prévoyant une prolongation, une option, un droit de négociation ou de refus.
- Il faut être vigilant sur les clauses d’inexécution contractuelle ainsi que les dispositions relatives à la notification par une partie des violations contractuelles de son partenaire.
- Pour chaque disposition, définir précisément la durée ainsi que les prérogatives de chaque partie en cas de litige.
France – Clauses de responsabilité
I. Situations dans lesquelles vous ne pouvez limiter votre responsabilité
- Blessures corporelles, décès, ainsi que tout dommage causé par une négligence grave ou une faute intentionnelle.
- Toute limitation de responsabilité concernant ces dommages est nulle selon la jurisprudence française.
II. Situations dans lesquelles votre responsabilité ne peut être engagée = responsabilité non admise
Les dommages indirects ne sont pas indemnisables en droit français.
- Que recouvre exactement la notion de dommage indirect ? Il est courant de définir contractuellement différentes sortes de dommages indemnisables, tels que les gains manqués, l’altération de données etc.
- Exemple : Le défaut de livraison de carburant par une compagnie pétrolière à une station service entraine pour cette dernière des dommages directs tels la pénurie d’essence, un déficit d’exploitation et des frais bancaires. Tous ces préjudices sont indemnisables. (Cass. Com. 14 septembre 2010; n°09-69.036).
U.S.– Clauses de responsabilité
- Le droit américain autorise les parties à prévoir une limitation de leur responsabilité en cas de préjudice direct, en intégrant au contrat un plafond de responsabilité.
- Le plafond peut être une somme d’argent (exemple : 200$) ou représenter le remboursement d’un produit ou service déterminé (par exemple le remboursement du prix de vente ou du coût de l’abonnement).
- Exemple d’exceptions à cette limitation contractuelle :
- Indemnisation obligatoire, par une partie, d’un tiers ayant initié une demande à l’encontre de son cocontractant, incluant les demandes relatives à la violation des droits de propriété intellectuelle.
- Responsabilité d’une partie pour la violation de son obligation de confidentialité ou de sécurité des données collectées.
- Responsabilité d’une partie pour la violation de son obligation de se conformer à la loi, ou d’une fraude intentionnelle.
France– Garanties et représentations
- Une clause limitant la portée de la garantie due par une partie doit être interprétée strictement par les juridictions françaises si l’autre partie peut démontrer que :
- La période de négociations précontractuelles a été suffisamment longue ;
- et a permis au cocontractant de se rendre compte de l’activité de son partenaire ainsi que les besoins de ce dernier.
- De plus, un certain nombre de garanties ne peuvent être limitées ou exclues (voir slides d’après)
I. La garantie des vices cachés (entre un professionnel et un consommateur, et entre professionnels)
- Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
- Exception en droit français : Les contrats conclus entre deux professionnels dans le même domaine d’activité peuvent prévoir des clauses limitant ou excluant la garantie des vices cachés.
II. La garantie légale de conformité du bien à la description donnée par le vendeur au consommateur
- Garantie de conformité à la description du bien ainsi qu’aux dispositions légales et réglementaires.
- Limite : le consommateur dispose de 2 ans à compter de la délivrance du bien pour actionner cette garantie.
- Le consommateur peut exiger du vendeur la réparation ou le remplacement du bien non conforme.
- La conformité est appréciée au regard de la description du produit établie au sein du contrat.
III. La garantie de délivrance conforme (entre professionnels)
- Pour les contrats conclus entre professionnels, le vendeur est tenu de la garantie de délivrance conforme.
- L’acheteur peut actionner cette garantie si le bien vendu n’est pas conforme à la description qui en est faite au sein du contrat.
U.S.– Garanties et représentations
- Garanties expresses ou tacites. Dispositions ou faits implicites de part la façon dont elles sont présentées au contrat.
- L’UCC prévoit que les tribunaux peuvent reconnaitre une garantie de conformité lorsque (1) le vendeur est un commerçant professionnel, et (2) l’acheteur utilise le produit dans des conditions normales (§2-314). Ces dispositions sont également prévues par le CISG en son article 35.
- L’UCC prévoit qu’il existe une garantie implicite de conformité à l’usage particulier d’un produit lorsque le vendeur connaît le but particulier pour lequel les produits sont requis, et l’acheteur s’appuie sur le jugement du vendeur pour les sélectionner (§2-315). Ces dispositions sont également prévues par le CISG en son article 35.
- Sources potentielles de litiges : fraudes, tromperies, rétention d’informations, inexécutions contractuelles.
France– Loi applicable et juridiction compétente
- Il est courant de négocier l’application de la loi française ainsi que la compétence des tribunaux territorialement compétents.
- Il faut garder à l’esprit que la question de la loi applicable doit être la première étape de toute négociation : si la loi française est applicable, alors l’ensemble des clauses précitées trouveront également à s’appliquer.
U.S.– Loi applicable et juridiction compétente
- La rédaction de telles clauses doit tenir comptes des dispositions suivantes :
- Quelle loi est destinée à gouverner les relations contractuelles?
- Cette question est particulièrement importante lorsque le contrat prend une dimension internationale
- Il est important de déterminer la loi applicable qui vous sera la plus favorable.
- « Le présent accord est régi et doit être interprété conformément aux lois de (L’ETAT) »
- Comment seront traités les litiges potentiels ?
- La clause doit stipuler que les parties ont convenu de régler leurs différends devant les juridictions d’un état déterminé.
- La détermination de l’état compétent doit être précis (par exemple : l’Etat de New-York)
France – les modes alternatifs de résolution des conflits
- En France, les conflits peuvent être réglés devant les juridictions, mais aussi par le biais de l’arbitrage ou de médiation; de nombreuses juridictions incitent les parties à régler leur litige avec l’aide d’un médiateur.
- Si vous envisagez d’inclure à votre contrat un clause d’arbitrage soumise au droit français, il est utile de de tenir compte des règles procédurales applicables à l’arbitrage, ainsi que le nombre d’arbitres et les frais à prévoir.
- Les principaux organismes d’arbitrage parisiens sont les suivants : la Chambre de commerce internationale (CCI), le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP); l’association française de l’Arbitrage (AFA).
U.S. – les modes alternatifs de résolution des conflits
- Règlement judiciaire, arbitrage ou médiation.
- Certaines juridictions exigent désormais la tentative préalable de médiation entre les parties. Par ailleurs, une partie peut exiger de son cocontractant une telle procédure.
- Si vous envisagez d’inclure à votre contrat un clause d’arbitrage soumise, il est utile de de tenir compte des règles procédurales applicables à l’arbitrage, le nombre d’arbitres ainsi que les modalités de leur désignation.
III. Le droit des sociétés: vous implanter aux U.S.
A. Pourquoi les U.S.
Pourquoi se lancer sur le marché U.S?
- La taille du marché
- Une langue unique sur tout le territoire
- Les possibilités de financement
A quel moment dans votre développement vous lancer sur le marché U.S.?
- Une fois que vous avez prouvé votre modèle économique sur au moins un territoire européen
- Le cas du lancement en early stage
B. La structuration juridique
1. La structure uniquement américaine (ou la structure 100% US)
Siège social situé au sein d’un État fédéré américain.
- Avantages : attractivité auprès des investisseurs américains et européens
- Inconvénients: pas de subventions BPI / difficultés des paiements effectués par des clients UE / taux d’échange euros-dollars.
2. La structure dirigée par une société-mère américaine
Siège social de l’entreprise aux U.S., filiale enregistrée en France. Il faut prouver une activité indépendante de la société-mère pour la BPI; des revenus propres.
- Avantages : possibilité d’avoir des clients européens / subventions BPI / attractivité pour les investisseurs U.S.
- Inconvénients : peu attractif pour les investisseurs français / risques de ne pas bénéficier des subventions BPI.
3. La structure d’entités séparées
Siège social en France et aux États-Unis. Les entreprises doivent établir un contrat de développement commun.
- Avantages : subventions de la BPI et de la JEI.
- Inconvénients : nécessité de structurer les relations au travers d’accords de R&D / risque de créer de la confusion pour les investisseurs US et européens/ difficultés dans la gestion des actionnaires.
4. La structure dirigée par une société-mère française
Siège social de l’entreprise en France, filiale aux US. Il faut établir:
une comptabilisation des transactions entre les société; des revenus propres.
- Avantages subventions de la BPI / possibilité d’avoir des clients européens
- Inconvénients : peu attractif pour les investisseurs US/ difficultés dans la gestion des actionnaires.
Maître Céline Bondard
Avocate aux barreaux de Paris et New-York
Co-founder et Président,
French-American Bar Association (France)
www.bondard.fr
Tél: +33 (0)6 19 41 31 52