Lorsqu’une entreprise s’installe aux Etats-Unis, il est essentiel d’avoir réfléchi au dépôt de la marque afin de sécuriser son activité. Il est possible de déposer une marque directement aux Etats-Unis ou d’étendre la marque française à l’international, en visant le territoire américain. Comment déposer une marque aux Etats-Unis ? Quels sont les critères retenus ? Découvrez quelques éléments concernant la protection des marques offerte par le système américain ainsi que plusieurs différences essentielles à noter avec le système français.

Nous pourrons vous assister dans vos prises de décisions car la marque aux Etats-Unis impose un exercice de style différent de la France.

 

I- Différents niveaux de protection en fonction du degré de distinctivité de la marque

L’office des marques américain (USPTO) offre deux possibilités aux entreprises souhaitant enregistrer une marque de commerce aux Etats-Unis et ainsi bénéficier du monopole d’utilisation de cette marque.

 

A) Le « Principal Register » ou registre principal

La première possibilité est de déposer une marque sur le registre principal, appelé « principal register ».

 

1. Une protection optimale
Toute marque enregistrée sur ce registre bénéficie d’une protection maximale car son titulaire est présumé en être l’unique propriétaire. Cet enregistrement lui donne le droit d’attaquer toute personne utilisant sa marque ou une marque similaire dans le but de commercialiser des produits ou services identiques ou similaires aux siens.
En outre, le registre principal apporte l’avantage de pouvoir obtenir l’incontestabilité définitive de sa marque lorsque le titulaire établit la preuve d’un usage ininterrompu de sa marque pendant cinq ans. En cas de litige, le titulaire bénéficie alors d’une présomption de validité de sa marque.

 

2. La nécessaire condition de la « distinctivité »
L’enregistrement d’une marque sur le registre principal n’est autorisé par l’USPTO que si plusieurs conditions sont respectées, parmi lesquelles se trouve la « distinctivité » de la marque.[1]

Ce critère signifie qu’une marque de commerce ne pourra être enregistrée sur le « registre principal » que si elle n’est pas descriptive des produits et services qu’elle entend commercialiser.[2]

A titre d’exemple, la marque « Sweet lollipop » (ou « sucette sucrée » en français), pour la commercialisation de sucettes et plus généralement de sucreries, pourra être considérée comme descriptive par l’Office des marques américain en ce qu’elle ne fait que décrire le produit auquel elle est associée. La marque « Sweet lollipop » ne pourra donc pas être enregistrée sur le registre principal.
Dans le cas où la marque ne serait pas « distinctive », l’USPTO a mis à la disposition des agents économiques un registre additionnel, appelé « supplemental register », destiné à recenser les marques considérées comme descriptives.

B) Le « Supplemental Register » ou registre additionnel

L’enregistrement sur le registre additionnel offre une protection limitée aux titulaires des marques mais cela permet néanmoins d’éviter l’obstacle constitué par le caractère descriptif d’une marque.

 

1. Une protection inférieure : L’absence de présomption de titularité
L’inscription d’une marque sur le registre additionnel ne permet pas à son propriétaire de bénéficier d’une présomption de titularité de droits dont bénéficient les propriétaires de marques inscrites sur le registre principal.[3]

Pour obtenir la condamnation d’un concurrent sur le terrain de la contrefaçon, les détenteurs d’une marque inscrite sur le registre additionnel doivent apporter la preuve que leur signe est connu du marché et qu’il est réellement associé aux produits ou services qu’ils commercialisent. Il est toutefois essentiel de bien réfléchir car cette preuve peut s’avérer difficile à apporter en raison du caractère initialement descriptif de leur marque.
De plus, les marques inscrites sur le registre additionnel ne bénéficient pas du principe de l’incontestabilité après une période de cinq années d’usage ininterrompu.

 

2. La garantie du monopole d’utilisation de la marque
Au même titre que les marques inscrites sur le registre principal, toute marque enregistrée sur le registre additionnel ne pourra pas être déposée postérieurement par un autre acteur économique, quel que soit le registre choisi (principal ou additionnel). Le titulaire de ladite marque bénéficie ainsi d’un monopole sur le terme qu’il a décidé de protéger pour les produits et services qu’il s’agit de commercialiser.[4]


3. L’utilisation du sigle «®»
L’enregistrement permet également au titulaire d’associer le sigle «®» à la marque qu’il a déposée, ce qui constitue une dissuasion efficace pour les contrefacteurs potentiels
.[5]

 

4. L’absence de période d’opposition

Une autre spécificité proposée par le « supplemental register » est le fait d’éviter la période d’opposition lorsque l’USPTO publie la demande de dépôt.[6]

Cette publication – antérieure à l’enregistrement définitif de la marque – permet à toute personne (et notamment au titulaire d’une marque antérieure) de « bloquer » le processus et d’empêcher l’enregistrement de la marque, lorsqu’elle estime que cette dernière porte atteinte à ses propres droits de propriété intellectuelle.
Le « supplemental register » ne prévoyant pas de période d’opposition, aucun agent économique ne sera mis au courant du dépôt avant l’enregistrement définitif de la marque. Il en résulte qu’une fois la marque déposée, son enregistrement définitif ne pourra pas être mis en péril par un éventuel titulaire antérieur. Celui-ci n’aura donc pas d’autre choix que de contester la validité du dépôt devant les juridictions compétentes.

5. L’accès ultérieur au registre principal
Afin de bénéficier d’une protection maximale[7], une marque initialement considérée comme descriptive peut toutefois s’imposer sur le marché et espérer être déposée sur le registre principal après cinq années d’exploitation.
Le droit américain considère que la marque peut acquérir une certaine renommée aux yeux des consommateurs. Celle-ci lui permet alors de perdre son caractère « descriptif » car, aux yeux des consommateurs, la marque acquiert une réelle identité propre, un caractère distinctif.

 

6. La protection d’un signe accordée par le simple usage commercial
Les « Common law rights » américains permettent à toute personne ou entreprise utilisant un signe ou un terme – sous réserve que celui-ci soit distinctif – de bénéficier d’une protection alors même qu’il n’a procédé à aucun dépôt auprès de l’office des marques américain.
Cette protection – comparable à celle octroyée par les juges français au titre de la sanction de la concurrence déloyale – est cependant beaucoup plus fragile et incertaine que celle accordée aux titulaires de marques enregistrées auprès de l’USPTO.[8]

Il est donc fortement recommandé aux agents économiques souhaitant exploiter un signe aux Etats-Unis de procéder au dépôt de ce dernier, sur l’un ou l’autre des registres mis à leur disposition.

 

II- Différents modes de dépôt en fonction de l’exploitation ou non de la marque

 

L’office des marques américain (USPTO) propose également deux modes de dépôts différents en fonction de l’usage antérieur éventuel de la marque envisagée.

A) « Use in Commerce Application » ou le dépôt sur la base de l’usage antérieur
Le dépôt d’une marque sous le régime du « Use in Commerce Application », c’est-à-dire sur la base de l’usage antérieur, constitue le mode traditionnel de protection d’une marque. Il permet à son titulaire d’obtenir l’enregistrement – et donc le monopole d’exploitation – plus rapidement.
Néanmoins, afin d’obtenir le monopole d’exploitation de sa marque, l’agent économique devra être en mesure d’apporter la preuve de l’utilisation du terme ou du signe au jour du dépôt.
Cette preuve peut s’avérer relativement difficile à apporter. A titre d’exemple, la seule acquisition d’un nom de domaine au nom de la marque envisagée, ou encore l’immatriculation d’une société, ne suffisent pas à apporter la preuve de l’exploitation antérieure.[9]

Le déposant doit fournir la preuve de l’utilisation antérieure effective. Cette dernière peut être constituée par la vente au public de produits sous le nom de ladite marque, ou encore par l’utilisation de cette dernière à des fins publicitaires.

L’USPTO estime que la preuve de l’exploitation d’une marque est constituée lorsque deux conditions sont réunies :
a. Le nom de la marque est inscrit sur les produits ou leur emballage, ou bien la marque est directement reliée auxdits produits ;

b. Les produits ainsi associés à la marque sont vendus dans au moins deux Etats américains différents.[10]
Une fois la preuve d’usage apportée par le déposant à l’Office des marques américain, la procédure de dépôt pourra se poursuivre jusqu’à l’enregistrement de la marque.
Il est à noter que l’enregistrement ne sera accordé qu’à l’issue d’une période d’opposition. Cette dernière, d’une durée de trente jours à compter de la publication du dépôt par l’USPTO, permet à toute personne intéressée de faire valoir ses droits, si elle estime que le dépôt de la marque nouvelle porte atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.[11]

B) « Intent-to-Use Application » ou le dépôt sur la base de l’intention d’usage
L’Office américain des marques permet également de protéger des marques déposées sur le registre principal, qui n’ont pas encore été utilisées sur le marché mais qui feront l’objet d’une exploitation dans un futur proche.
Le titulaire déclare alors sur l’honneur, lors du dépôt, qu’il a l’intention de démarrer l’exploitation sérieuse de sa marque dans les six mois de la date du dépôt.[12]

A ce stade de la procédure, une déclaration sur l’honneur suffit, sans qu’il ne soit besoin de prouver que des démarches ont déjà été entreprises en vue d’une exploitation future.

A la suite de ce dépôt, l’USPTO fournit au titulaire une « Notice of Allowance », ou avis d’acceptation, et procède à la publication de la marque afin de permettre à toute personne intéressée de s’y opposer.
Le délai de six mois court à compter de la réception de cette « Notice of Allowance ».[13]

A l’expiration de ce délai, le titulaire de la marque aura deux possibilités :
– soit il a effectivement démarré l’exploitation de la marque sur le marché, auquel cas il en informe l’USPTO qui procèdera à l’enregistrement définitif ;
– soit l’exploitation n’a pas démarré, pour des motifs qui doivent être « légitimes », ce qui permettra au titulaire de proroger le délai, par tranches de six mois, dans la limite de trois ans à compter de la « Notice of Allowance ».
Lorsque la preuve de l’utilisation est rapportée, le processus d’enregistrement de la marque peut se poursuivre.
Ce délai de six mois accordé par l’USPTO est relativement court et oblige les déposants à préparer en amont le lancement de l’exploitation. Si, à l’expiration du délai, l’exploitation de la marque n’a pas débuté ou qu’elle n’est pas suffisante, l’enregistrement sera refusé par l’USPTO.

 

III. En France, un contrôle différent des droits antérieurs

 

1. L’absence de registre additionnel en France
L’une des principales différences entre le système américain et le système français réside dans le fait qu’il n’existe pas, en France, de registre additionnel. Cela signifie qu’un signe descriptif des produits ou services pourra faire l’objet d’un refus d’enregistrement de la part de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), ou pourra être invalidé a posteriori par les juges français.
Ainsi, la marque verbale « LOTO », visant des produits et services liés à la loterie, a été annulée par la Cour de cassation au motif que ce terme était descriptif des produits et services commercialisés par son titulaire. (Cass. com. 28 avril 2004, n° 02-14373)


Il est toutefois à noter qu’une marque initialement descriptive des produits et services commercialisés pourra être enregistrée en France si, au jour du dépôt, elle a acquis une certaine distinctivité par un usage long et intensif.


A titre d’exemple, la marque « MISS EUROPE », déposée en 1986, a été jugée valable par les juges du fond. Ces derniers ont considéré que la preuve d’une utilisation intensive de ce terme depuis 1952, lui conférait un caractère distinctif dont le titulaire avait pu apporter la preuve. (Cass. com. 19 avril 2005, n°03-13924)
De plus, la protection de la marque distinctive n’est accordée que si la marque est disponible, c’est à dire si aucun concurrent ne peut établir le fait que cette marque est identique ou similaire à une autre marque antérieurement enregistrée pour des produits ou services similaires.


2. La nécessité de vérifier la disponibilité de la marque par soi-même
Le système français de protection des marques diffère également du système américain en ce qu’il n’opère pas un contrôle des marques antérieures présentes sur son registre.
L’INPI laisse aux tiers le soin de s’opposer à l’enregistrement de la marque.
Ainsi, il revient au déposant de vérifier les marques préexistantes dans son domaine d’activité afin d’éviter, notamment, la situation selon laquelle sa marque pourrait être enregistrée faute de surveillance des titulaires de droits antérieurs, mais dont l’exploitation pourrait être remise en cause par la suite devant les tribunaux par ce même titulaire de droits antérieurs.

 

Conclusion

 

Si vous souhaitez déposer une marque, que ce soit en France, en Europe, aux Etats-Unis, il est essentiel de vous assurer du caractère distinctif du terme de la marque et d’avoir analysé les marques antérieurement déposées pour des produits et services similaires.
Ces précautions faciliteront le processus d’enregistrement de vos marques et limiteront les risques de litiges ultérieurs.
Pour favoriser vos chances de réussite, nous vous recommandons de vous faire aider par un avocat pour vos démarches juridiques aux Etats-Unis comme en France. Pour toutes questions, contactez-nous :  cb@bondard.fr .

Sur le même sujet : Comment choisir sa marque

Maître Céline Bondard
Avocat aux Barreaux de Paris et de New York
Co-founder et Président de la French-American Bar Association en France
cb@bondard.fr
www.bondard.fr

 

[1] INTA Bulletin – August 15, 2014 Vol. 69 No. 15 –  “Incontestability of Marks in the United States and Canada: A Comparison of Perspectives and Purposes”

[2] Intellectual Property: The Law of Trademarks, Copyrights, Patents, and Trade Secrets (Fifth Edition) – Deborah E. BOUCHOUX; p.70 “The Principal and Supplemental Registers

[3] INTABulletin – May 1, 2012 Vol. 67 No. 9 – “The U.S. Trademark Registers: Supplemental vs. Principal”

[4] https://www.uspto.gov : “How to Amend from the Principal to the Supplemental Register

[5] INTABulletin – May 1, 2012 Vol. 67 No. 9 – “The U.S. Trademark Registers: Supplemental vs. Principal”

[6] INTABulletin – May 1, 2012 Vol. 67 No. 9 – “The U.S. Trademark Registers: Supplemental vs. Principal”

[7] INTABulletin – May 1, 2012 Vol. 67 No. 9 – “The U.S. Trademark Registers: Supplemental vs. Principal”

[8] https://www.uspto.gov : “Basic Facts about Trademarks – Protecting Your Trademark Basic Facts About Trademarks United States Patent and Trademark Office –  ENHANCING YOUR RIGHTS THROUGH FEDERAL REGISTRATION” – p. 9-11

[9] https://www.uspto.gov : “Basic Facts about Trademarks – Protecting Your Trademark Basic Facts About Trademarks United States Patent and Trademark Office –  ENHANCING YOUR RIGHTS THROUGH FEDERAL REGISTRATION” – p. 2

[10] https://www.uspto.gov : “Basic Facts about Trademarks – Protecting Your Trademark Basic Facts About Trademarks United States Patent and Trademark Office –  ENHANCING YOUR RIGHTS THROUGH FEDERAL REGISTRATION” – p. 20-21

[11] https://www.uspto.gov : “Trademark – What Happens Next?”

[12] https://www.uspto.gov : “Intent-to-Use (ITU) Applications

[13] https://www.uspto.gov : “Intent-to-Use (ITU) Applications

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